Quel est le rapport entre un escalier de métro transformé en piano et une marque de voiture ? Pour
Novactif, l’équation est des plus simples : Crowdsourcing + Street marketing + buzz = The fun theory.
Convaincus ? En français courant, ça donne que The fun theory, site qui propose depuis trois mois d'héberger "des idées drôles pour améliorer le comportement des gens", discrètement sponsorisé par Volkswagen, est une expérience de marketing viral réussie (oups, désolé!). Un gros coup pour la marque de voiture - la vidéo de l’escalier-piano a été visionnée plus de 10 millions de fois sur Internet - et un succès pour le développement durable.
Les internautes suédois, invités à poster des initiatives écolos et citoyennes en cascade sur le site, ont marché à fond. Les 25 000€ de récompense pour l'initiative la plus plébiscitée ont également du aider...
La réussite de The Fun Theory n'était pourtant pas évidente, tant l'internaute est devenu suspicieux face aux engagements écolos des grandes marques qui leur promettent de sauver la planète. Pire, le "greenwashing", pratique consistant à "communiquer autour du développement durable pour blanchir son image", selon la définition d'un spécialiste en webmarketing, est carrément traqué par les consommateurs éclairés de la toile.
Quand j’entends le mot vert, je sors mon revolver
Selon le magazine Time, en novembre 2008, la société de marketing environnemental Terrachoice avait réalisé une étude prouvant que sur 1018 publicités "vertes", un seul (!) des produits vantés respectait l’engagement écolo annoncé. Depuis, la Federal Trade Commission (FTC) a tenu des audiences pour trier le greenwashing des véritables initiatives pour l’environnement. Un site de veille citoyenne a même été créé pour dénoncer cette pratique de marketing frauduleuse. Sur greenwashingindex, les internautes sont invités à noter les publicités qui ont recours à l’environnement pour blanchir leur image, sur une échelle de greenwashing de 1 à 5. Paranoïaques les internautes ? Pas si sûr, car certaines campagnes de pub sont vertement irréalistes.
En France, le Grenelle de l'environnement est très vigilant sur cette pratique mensongère des marques, et un Observatoire indépendant de la publicité a été lancé par un collectif d'ONG écolos pour surveiller cette pratique.
2010, année des pollueurs décomplexés ?
Dans cette atmosphère de suspicion, les buzz marketers ont dû changer de créneau : la jouer moins écolo pour qu’on y croit tout de même un peu. Pas facile quand le sommet de Copenhague est encore dans les mémoires, que les verts s’imposent au Parlement européen. Et, surtout, que les produits bio entrent dans nos modes de consommation quotidiens (le business des produits organiques a doublé aux Etats-Unis entre 2003 et 2007, passant de 10 à 20 milliards de dollars). Un compromis a donc été trouvé par Volkswagen : au lieu du "greenwashing", l'entreprise fait du "corporate social responsability".
Résumé en langage vernaculaire par Emmanuel Vivier, chef d’entreprise de Vanksen, agence maîtresse dans le digital marketing : "il ne faut pas se leurrer, polluer n’est pas un objectif en soi pour les marques d’automobiles ; malheureusement, c’est un effet qu’on ne peut pas supprimer. A partir du moment où Volkswagen ne dit pas "on est les plus verts du monde" comme a pu le faire Renault par exemple, ils peuvent tout de même essayer de contribuer un peu au développement durable".
Après la droite décomplexée, place donc aux pollueurs décomplexés, ces marques qui font du développement durable à la petite semaine pour ne pas passer pour des imposteurs, mais tout de même rester dans le coup : "ce qui est intéressant dans la campagne The fun theory, c’est l’idée de profiter des petits instants de la vie, analyse Emmanuel Vivier, de savoir se laisser surprendre. Dans cette pub, on nous offre d’abord quelque chose avant de nous vendre une marque - l’escalier-piano n’a pas des logos Volkswagen partout - et "by the way" on transmet la nouvelle philosophie fun theory de Volkswagen".
"Etre écolo n’a jamais été aussi facile"
Sur The fun theory, on apprend que "quelque chose d’aussi simple que le 'fun' permet de faire changer le comportement des gens". L’agence de marketing DDB, à l’origine du projet, a donc trouvé un compromis intelligent entre le sentiment d’urgence écolo et le besoin de se détendre en période de crise. "Les gens s’emmerdent, ils veulent qu’on leur change les idées, qu’on leur redonne du sens. Une des valeurs issue de la crise, c’est justement de profiter des petits instants qui nous sortent du quotidien", résume Emmanuel Vivier. On peut dès lors dresser le nouveau schéma (subjectif) du marketing vert en 2010 : Crise économique + crise environnementale = pub un tantinet écolo, mais surtout rigolote.
Enfin, pour ceux qui veulent toujours sauver la planète en consommant, il existe encore une solution, entre les pubs démagos de Renault (voir la vidéo ci-dessous) et la campagne écolomolle de Volkswagen. Sponsorisé par Yahoo, Bing et WWF, un nouveau moteur de recherche permet aux geeks et aux cadres sup' de sauver la forêt amazonienne par de simples clics depuis leur bureau ! Ecosia, c'est son nom, assume avoir de hautes vues pour la planète mais joue aussi la carte simple et "sympa" à utiliser. Peut-être le dernier cri du marketing vert. "Etre écolo n’a jamais été aussi facile", dit la vidéo de lancement.
Oubliez l'échec du sommet de Copenhague, le marketing environnemental se charge de sauver la planète.